Témoignage de Robert Charroux sur Rennes-le-Château - 1962

1 = Robert Charroux testant l'un des premiers détecteurs de métaux à usage civil : le "Lenoir". 2 = Robert Charroux examinant un vestige.

L'aventurier et explorateur Robert Charroux a été en contact direct avec Noël Corbu, et reste l'un des rares chercheurs de trésors à avoir pu passer le détecteur de métaux "Lenoir", officiellement, sur le site de la Commune! Nous étions alors à la fin des années 1950. Noël Corbu, alors propriétaire du domaine de l'Abbé Saunière, avait une excellente relation d'amitié et d'échange autour de l'affaire du Trésor de l'Abbé Saunière avec Robert Charroux.

Voici le témoignage de Robert Charroux qui fut publié en 1962 dans le livre "Trésors du  Monde, enterrés, emmurés, engloutis" Ed. Fayard, sous la forme d'un chapitre de cet ouvrage.

Nous citons intégralement ce passage oublié et fort intéressant :

 

Tout aussi historique est le trésor de Rennes-leChâteau, petit bourg de France dans les monts des Corbières, à soixante kilomètres au sud de Carcassonne.
 Son église et ses quelques maisons sont perchées sur un piton rocheux auquel on accède par une rampe sévère de cinq mauvais kilomètres.
 Il a presque fallu un miracle pour qu'un trésor soit caché en ce bout de monde où les autos ne grimpent qu'à grand-peine, sans guère pouvoir se croiser en cours de route.
 Pourtant, il y a un trésor à Rennes-le-Château, un authentique trésor puisqu'il fut trouvé il y a un demi-siècle par le curé Béranger Saunière, qui après l'avoir entamé — oh, à peine sans doute —, le légua à sa servante-maîtresse, la jolie Marie Denardaud, laquelle le légua à son tour à M. Noël Corbu.
 Mais l'héritage de Marie Denardaud fut incomplet puisqu'elle mourut sans avoir eu le temps de révéler la cachette depuis, M. Corbu détecte, pioche, creuse, sonde, dans l'espoir de mettre au jour les pièces d'or, d'argent, les bijoux et les pierres précieuses du trésor évalué à huit milliards, et que des historiens sérieux pensent être le trésor de la France du xiïi" siècle.

  — Jadis, il y a sept cents ans, dit Noël Corbu, il y avait à Rennes une ville de trois mille âmes et une ceinture de remparts dont on retrouve encore des ruines.

  « En cherchant le trésor j'ai découvert des monnaies anciennes, des poteries, des armes et les squelettes qui équipent mon petit musée.

  « Selon des historiens de Carcassonne, la genèse du trésor remonterait à février 1250. A cette date, la révolte des pastoureaux déclenchée dans le Nord de la France par le mystérieux « Maître de la Hongrie », battait son plein et la vague des serfs et des gueux déferlait vers le midi.

  « Blanche de Castille, régente de France, vint à Rennes-le-Château — que l'on appelait alors Rhedae

— pour y mettre à l'abri, dans la puissante citadelle, le trésor de la France que menaçaient à la fois les pastoureaux et les sourdes cabales de la noblesse. Notez en passant, que la citadelle de Rhedae passait pour imprenable et se situait sur la route d'Espagne, où Blanche de Castille savait pouvoir trouver refuge en cas de danger.
  « Elle fit déposer le trésor dans la salle souterraine du donjon. Du moins on le pense.

  « Certes, on s'explique mal que le trésor soit demeuré intact si longtemps, surtout durant l'année 1351 au cours de laquelle saint Louis aurait eu tant besoin de subsides que ne pouvait lui envoyer sa mère. »
  Bref, M. Cornu pense que ce trésor constituait une réserve où l'on ne devait puiser qu'en cas de péril urgent.
 Blanche de Castille mourut en 1252 après avoir révêlé le secret à saint Louis qui le confia à son fils 'Philippe le Hardi.
 Ce dernier mourut à Perpignan sans avoir eu le temps de dire à Philippe le Bel le secret de Rhedae.
  En 164S, on reconstruit Rhedae qui devient Rennesle-Château ; l'antique forteresse, légèrement déplacée, s'érigeait à l'emplacement de l'actuelle propriété de M. Corbu.
 C'est alors que commence la véritable histoire du trésor perdu et trouvé.
 Trouvé d'abord au xviV siècle par un berger du nom d'Ignace Paris, qui. ayant égaré une de ses brebis, l'entendit bêler au fond d'une crevasse où il descendit.
 Mais la brebis, apeurée par l'irruption du berger, s'enfuit par une galerie.-
 Toujours à sa poursuite, Ignace Paris déboucha dans une crypte « remplie de squelettes et de coffres », les premiers effrayants, les seconds au contraire pleins d'attraits.
  Il remplit ses poches de pièces d'or, s'enfuit épouvanté après coup, et rentra chez lui.
  Sa subite fortune fut vite sue de tout le village, mais Ignace eut la maladresse de ne pas vouloir en révéler l'origine, et accusé de vol il fut tué sans avoir pu divulguer le secret de la crypte.
 Y eut-il éboulement à l'entrée du souterrain ? On ne sait, mais jusqu'en 1892 il ne fut plus question du trésor dont les parents du berger ne devaient pas connaître l'emplacement.
  Un événement fortuit à cette époque fit entrer en jeu le curé Béranger Saunière.
  Il avait obtenu la cure de Rennes en 1885, et fut tout de suite adopté par la famille Denardaud dont la fille Marie avait dix-huit ans et travaillait comme chapelière au bourg d'Espéranza.
    Les Denardaud, logés à l'étroit, ne tardèrent pas à •  venir habiter la cure.
    En 1892, le curé Béranger jouissait de l'estime

  Il avait obtenu la cure de Rennes en 1885, et tut tout de suite adopté par la famille Denardaud dont la fille Marie avait dix-huit ans et travaillait comme chapelière au bourg d'Ezpéranza. Les Dernardaud, logés à l'étroit, ne tardèrent pas à venir habiter la cure.

En 1892, le curé Béranger jouissait de l'estime de certaines de ses paroissiens, tant par son zèle que par sa bonne humeur.
 

C'est à cette époque qu'il obtint un crédit municipal de deux mille quatre cents francs pour refaire le  maître-autel  wisigothique  et  la  toiture  de  son église.
 Le maçon Babon de Couiza se mit au travail et un matin à neuf heures, il appela le curé pour lui montrer dans un des piliers de l'autel quatre ou cinq rouleaux de bois, creux et fermés à la cire.

— Je ne sais pas ce que c'est ! dit-il.
  Le curé ouvrit l'un des rouleaux et extirpa un parchemin écrit, pense-t-on, en vieux français mêlé de latin, où l'on pouvait à première vue discerner des passages de l'Evangile.

  — Bah, dit-il au maçon, ce sont de vieilles paperasses qui datent de la Révolution. Ça n'a aucune valeur !
  Babon à midi alla déjeuner à l'auberge, mais une pensée le tracassait, si bien qu'il en fit part autour de lui. Le maire vint aux renseignements ; le curé lui montra un parchemin auquel le brave homme ne comprit goutte et l'affaire en resta là.
  Pas tout à fait cependant, car Béranger Saimière prit sur lui d'arrêter les travaux de l'église.
 Voici d'après M. Corbu ce qui dut se passer ensuite :

  — Le curé cherche à déchiffrer les documents ; il reconnaît les versets de l'Evangile et la signature de Blanche de Castille avec son sceau royal, mais la suite demeure un rébus. Il va donc à Paris en février 1892 consulter quelques linguistes à qui par prudence il ne donne ses documents que par fragments.
  « Je ne puis pas révéler les sources de mon information [c'est Noël Corbu qui parle] mais puis assurer qu'il s'agissait du trésor de la Couronne de France : dix-huit millions en cinq cent mille pièces d'or, des joyaux, des objets du culte, etc.,

« Le curé revient à Rennes sans connaître exactement le point de la cachette, mais avec des indications précieuses et suffisantes.

« II cherche dans l'église. Rien !
  « Marie, pour sa part, est intriguée par une vieille dalle du cimetière portant une inscription bizarre ; c'est la pierre  tombale  de la comtesse  HautpoulBlanchefort. Si le trésor était dessous ?

  « Le curé ferme à clef la porte du cimetière et, aidé de Marie, durant plusieurs jours, se livre à un mystérieux travail. Un soir, ils sont récompensés de leurs efforts et finissent par reconstituer le puzzle, dont les inscriptions de la pierre tombale leur avait donné les premiers éléments.

  « Dès cet instant la situation de Marie Denardaud change à la cure : elle devient la confidente, la collaboratrice.

  « Je crois savoir qu'il existe six entrées menant à la cachette, dont celle du donjon qui déjà en 1892 avait disparu.

  « Sur un des parchemins il y a des lignes comptées en toises qui partent du maître-autel. Marie et le curé mesurent avec des ficelles et trouvent un point terminal en un endroit qu'on appelle le « château », terrain vague maintenant ; ils creusent et trouvent le souterrain et la crypte au trésor où jadis le berger Paris avait abouti.

  « Les pièces d'or, les bijoux, les vaisselles précieuses sont ià, ternies par une épaisse couche de poussière, mais intactes.

  « Ils arrêtent un plan : le curé ira en Espagne, en Belgique, en Suisse, en Allemagne changer les pièces, et il expédiera l'argent par la poste, à Couiza au nom de Marie Denardaud.
  « C'est ce qu'ils firent non sans danger et difficulté pour rapatrier les capitaux.

  « Quoi qu'il en soit, en 1893, le curé Saunière est riche, très riche... tellement, qu'à ses frais il com-

mande toutes les réfections de la toiture et de l'église qu'il embellit de façon somptueuse.          

  « II fait réparer le presbytère, construire le mur d'enceinte du cimetière, édifier un kiosque dans un splendide jardin à rocaüles et à jets d'eau.

  « De plus, il achète de beaux meubles, des robes de grand prix pour Marie ; il fait venir du rhum de la Jamaïque, des singes de l'Afrique, il engraisse ses canards de basse-cour avec des biscuits à la cuillère — pour qu'ils aient la chère plus fine, __ élève des chiens d'agrément...

  Bref,  c'est  la  grande  vie  à  Rennes-lsChâteau  où l'on tient table ouverte — et quelle table  — pour toute la gentry des alentours.

  « Le curé achète des terrains, des maisons, mais au nom de Marie Denardaud, et la jolie brunette aux yeux malicieux, à la taille fine, devient une véritable châtelaine.

« Quand il est en déplacement, le curé lui écrit : « Ma petite Marinette, que deviennent nos bêtes ? Fais une caresse à Faust et à Pomponnet [les chiens], bonne santé aux lapins. Adieu Marie. Ton Béranger... »

  « A vrai dire, d'autres belles partagent aussi le cœur du nouveau milliardaire. On a avancé les noms d'Emma Calvet, de la belle comtesse de B. et de bien d'autres !

  « Car cette fortune subite a tourné la tête du prêtre et l'a fait sombrer dans la mégalomanie ; il rêve de construire un château l Mais, prudent malgré tout, il a soin de détruire les indications qui l'ont mené à la crypte ; dans le cimetière, il gratte les inscriptions de la dalle funéraire de la comtesse, et met les parchemins dans la salle aux trésors.
 

 « Le maire vient lui faire des reproches au sujet de la tombe saccagée et des richesses dont il dispose, mais le curé rit de ses craintes, lui parle de l'îiéritage d'un oncle d'Amérique et lui donne cinq mille francs en or.

« Le maire reviendra souvent à la charge... pour le même prix !

  « Mgr Billard, évêque de Carcassoirne, s'inquiète lui aussi du comportement de son prêtre, mais là encore, avec de l'argent, de bons vins et de la bonne chère les difficultés sont aplanies.

  « En 1897, Béranger Saunière fait commencer la construction de la villa Béthania, avec ses remparts et la tour qui coûteront la bagatelle d'un millionor ; pour avoir des fleurs à belle année il fait édifier une serre sur le chemin de ronde.

  « Le successeur de Mgr Billard, Mgr de Beauséjour, vient jouer les trouble-fête : il demande des explications à Béranger, le convoque en Cour de Rome et finalement prononce contre lui l'interdiction.

 « Un nouveau curé est nommé à Rennes-leChâteau, mais Saunière n'en a cure, et dans la chapelle de sa villa continue à dire sa messe qui rassemble d'ailleurs la quasi totalité des paroissiens si bien que le nouveau venu, écœuré, prend le parti de ne plus faire le. rude chemin Couiza-Rennes.

  « Béranger prépare aussi un nouveau plan d'embellissement : il veut surélever la tour, construire une tour, construire une route jusqu'à Couiza, acheter une auto, faire l'adduction d'eau dans tout le village ; son devis se monte à huit millions-or (en 1914) soit environ huit milliards de francs légers. Cet argent, le curé l'a en espèces.

  « Le 5 janvier 1917, il signe des bons de commande, mais une cirrhose du foie l'emporte le 22, avant qu'il ait pu donner corps à son projet a Marie, désolée, dispose le défunt sur la terrasse, assis dans un fauteuil recouvert d'une couverture à pompons rouges et tous les villageois viennent prier et emportent chacun un pompon comme relique du saint homme.

 « Marie Denardaud est désormais seule maîtresse de Rennes-le-Château car tout a été mis à son nom, mais elle finit sa vie quasi cloîtrée, ne recevant plus de visites, et il est probable qu'elle ne revint jamais à la crypte au trésor. »
  Voilà ce que dit Noël Corbu, troisième personnage du roman et héritier de Marie Denardaud.
 

M. Corbu connut Marie à la fin de sa vie, de 1946 à 1953, tout à fait par hasard.
  Avec sa femme, il prit pension chez elle et sut lui inspirer confiance et amitié.

 — Ne vous faites pas de mauvais sang, monsieur Corbu, lui dit-elle un jour. Vous aurez plus d'argent que vous ne pourrez en dépenser ! — D'où le sortirez-vous ? demanda Noël. — Ah ça... je le dirai quand je mourrai !
 

Le 18 janvier 1953, elle tomba malade, sombra dans l'inconscience et mourut en emportant son secret.
 Voilà donc de nouveau le trésor de Blanche de Castille perdu et bien perdu cette fois, semble-t-il !
 Mais en fait, rien ne prouve que ce trésor soit celui  de la mère de saint Louis. Certains  avancent qu'il s'agirait du trésor d'Alaric dont la capitale était Rennes-le-Château ; d'autres, et c'est plus vraisemblable, penchent pour le trésor des Cathares en tenant compte du fait que Remies était leur deuxième citadelle après Montségur.
  Quoi qu'il en soit, le trésor a existé, et il existe certainement encore comme semble le suggérer cette lettre figurant dans les archives de M. Corbu et qu'un de ses amis écrivait au curé :

  « Tu ne peux rien dire publiquement, mais con. fesse-toi, tu seras absout car tu n'as rien à te reprocher. »
 Hélas ! Béranger Saunière ne voulut jamais se confesser au sujet du trésor, sinon à sa maîtresse Marie Denardaud.
Pourtant le secret n'est pas impénétrable. Un habitant de Rennes-le-Château qui en sait peut-être long a dit un jour à un membre du Club des Chercheurs de Trésors :

 — Le secret du curé aux milliards est au fond d'une tombe, il s'agit seulement de trouver laquelle...
 Un jour donc, les milliards cachés par le vieux curé seront peut-être trouvés par le fossoyeur... et ce sera tant pis pour la petite cité perchée sur son piton rocheux : elle perdra le plus clair de son mystère... ou le plus sombre si l'on préfère (l) !

 (l) En 1965, Noël Corbu a vendu son restaurant de Rennes-le-Château pour monter une chaîne d'hôtels et une usine.
  Il n'en a pas fallu davantage pour faire croire qu'il avait trouvé le trésor !
 Nous pensons que Noël Corbu, après douze années de recherches vaines, a jugé sage d'abandonner les arides monts des Corbières et leurs trésors décevants !

 

Fin de citation de l'article-témoignage de Robert Charroux.



28/11/2007
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